Les élections municipales de 2026 s’annoncent comme une séquence politique majeure pour la France. Elles seront le premier scrutin démocratique significatif après une série de turbulences institutionnelles dans lesquelles nous ne sommes pas encore sortis, et le dernier grand rendez-vous électoral avant l’élection présidentielle de 2027.
Chaque vague du baromètre comprendra un suivi des indicateurs clés, tels que l’intérêt pour les élections, l’intention d’aller voter, ou encore les priorités qui influenceront le vote, tout en permettant d’approfondir une thématique centrale de la vie locale.
Dans le contexte du débat budgétaire, cette première vague s’est attachée à explorer les enjeux des finances locales et, à travers eux, les efforts que les Français seraient prêts à consentir pour leur ville, ainsi que la perception qu’ils ont de l’action de l’État envers leurs communes.
Dans un contexte où la défiance envers les institutions nationales atteint des sommets, un ancrage demeure solide : le lien des Français à leur commune. Alors que beaucoup se disent désabusés face à la séquence politique qui dure depuis plus d’un an, 70% des Français se déclarent intéressés par les prochaines élections municipales et, même six mois avant l’échéance, 60 % affirment qu’ils iront « très certainement » voter. Sur la vaste mer de la défiance politique, les communes demeurent ces îlots de confiance où les citoyens viennent encore jeter l’ancre.
Mais cet attachement ne s’exprime pas seulement au travers de ce lien démocratique solide. Il se manifeste aussi dans les perceptions que les Français ont de leur cadre de vie : 55% d’entre eux déclarent être satisfaits de vivre dans leur commune, et 57 % se disent optimistes quant à son avenir. Une satisfaction locale qui contraste avec le pessimisme ambiant souvent recueillie à l’échelle nationale.
Dans l’ensemble, 52 % des Français estiment que leur commune a évolué dans le « bon sens » au cours des dernières années, contre 32 % qui jugent cette évolution négative.
Les 18-24 ans se distinguent par un regard plus sévère : seuls 40 % considèrent que leur commune a connu une évolution favorable soulignant peut-être une forme de désenchantement générationnel vis-à-vis des politiques locales.
Les sensibilités politiques dessinent des nuances : on assiste à une exception « RN » : ses sympathisants sont partagés (48 % d’avis positifs, 41 % négatifs), tandis que ceux de Renaissance, des Républicains, du Parti socialiste et des écologistes affichent une majorité d’opinions favorables (de 55 % à 69 %).
Face à ces constats, les Français n’expriment pas une volonté massive de rupture avec les politiques locales actuelles.
Même si près d’un Français sur cinq demeure indécis quant à la direction à privilégier pour l’avenir de leur territoire, seuls 29 % considèrent qu’un changement radical de l’action municipale serait souhaitable. Des tendances qui mettent en lumière une préférence pour la continuité dans une séquence pourtant portée par une aspiration aux ruptures.
Délaissées, invisibilisées c’est un sentiment d’abandon que l’on voit s’installer dans les communes françaises, notamment les plus petites d’entre elles. Le constat est sans appel : une large majorité de Français estime que l’État et les grands médias accordent trop peu d’attention aux réalités locales.
• Concernant le traitement médiatique : 61% des Français jugent que les grands médias évoquent trop rarement les réalités locales, un sentiment encore plus marqué dans les petites communes, où il atteint 71 %. La commune, notamment en zone rurale, apparaît alors comme un véritable espace oublié des projecteurs.
• Même constat du côté de l’État : 66% des Français considèrent qu’il ne se préoccupe pas suffisamment des problèmes touchant leur commune. Ce ressenti est encore plus prégnant en zone rurale, où 78 % des habitants partagent ce sentiment, contre 58 % dans les communes de plus de 100 000 habitants.
Ce sentiment de délaissement trouve un écho particulier dans la question des dotations accordées par l’Etat aux collectivités locales. Pour 58 % des Français, la baisse envisagée de ces financements est injustifiée, même dans un contexte de rigueur budgétaire. Dans les communes rurales, près de 7 habitants sur 10 expriment leur incompréhension face à cette décision.
Une inquiétude partagée par 74 % des Français, qui estiment que cette réduction aura ou a déjà des conséquences concrètes sur la vie locale. Si 29 % se résignent à l’accepter, 44 % la déplorent explicitement.
La question budgétaire est un casse-tête local. Une majorité de Français (52 %) admettent ne pas bien connaître le budget de leur commune, mais cela ne les empêche pas de faire confiance à leur maire pour en assurer la gestion : 53 % lui accordent leur confiance, et même 60 % en zone rurale.
La confiance n’efface toutefois pas les contraintes. Face à la baisse des dotations, les arbitrages deviennent inévitables.
Et ils piquent. Interrogés sur les coupes budgétaires qu’ils accepteraient en priorité, les Français pointent l’éclairage public nocturne (37 %), loin devant les aides aux associations (27 %) ou les projets d’aménagement (26 %). Aucun domaine ne fait consensus : tout semble indispensable.
Face aux éventuelles restrictions budgétaires, les Français identifient clairement les domaines à protéger dans leur commune. La sécurité (48 %), l’éducation (35 %) et l’emploi (30 %) arrivent en tête des priorités. Mais ces attentes peuvent varier selon l’âge et le territoire.
• Les jeunes (18-24 ans) privilégient l’emploi et l’éducation, avec une attention particulière au sport (15 %). Les 25-34 ans sont plus sensibles à l’environnement, tandis que les 35-49 ans suivent la tendance générale. Chez les 50 ans et plus, la sécurité et l’action sociale dominent.
• A chaque territoire ses enjeux propres. Dans les grandes villes, la sécurité est surreprésentée ; dans les petites communes, l’éducation et les voiries sont jugées essentielles. Dans les villes moyennes, l’emploi reste l’enjeu central.
Mais comment répondre à ces attentes sans moyens supplémentaires ? Sur le terrain fiscal, la réponse se heurte à une ligne rouge : 76% des Français refusent toute hausse de la taxe foncière. Chez les propriétaires, le rejet atteint 83 %, dont plus de la moitié sont totalement opposés.
La quadrature du cercle demeure. Et pourtant les Français n’ont pas l’intention de déserter face aux défis.
Dans un contexte de pénurie de temps et d’argent, les Français montrent une réelle envie de s’engager localement.
• Si les finances locales restent un sujet épineux, 43% à se dire prêts à verser une contribution annuelle exceptionnelle (entre 10 € et 50 € par an) pour aider leur commune à maintenir ses services publics.
• Plus inattendu encore : 23% accepteraient le retour de la taxe d’habitation pourtant récemment supprimée et alors même que les craintes sur la dégradation du niveau de vie est bien réelle.
• Preuve d’un profond attachement à leur commune, 42 % des Français déclarent être prêts à offrir bénévolement du temps pour entretenir leur commune : nettoyage, espaces verts, petites répartations. Un sur cinq irait jusqu'à deux heures par mois. Chez les actifs de 25 à 49 ans, ils sont un tiers à se dire prêts à s’impliquer concrètement 1 à 2 heures par mois.
Dans un contexte fortement agité par les incertitudes politiques et économiques, sa commune, sa ville, demeure un point de repère, un ilot de confiance. Loin de constituer un repli dans l’entre-soi, les résultats de cette première vague de l’Observatoire des municipales laissent à voir des Français à l’énergie locale débordante. En dépit des restrictions budgétaires qui s’imposent à tous, des multiples contraintes qui peuvent freiner les évolutions attendues, cette énergie pourrait bien être le levier de reconstruction du lien civique.
Stewart Chau - Directeur de clientèle